Aujourd’hui, 14 juin 2019, est un jour particulier chez mes amies suissesses. Ma fille Aby (et ce n’est sans doute pas la seule) pense à la Suisse comme le pays du chocolat, des montres et du shopping… Mais c’est aussi un pays où les femmes doivent, encore en 2019, revendiquer leur droit à l’égalité, notamment en termes de salaires.
Laissez-moi vous expliquer… C’est seulement en 1971 que les hommes ont accepté de donner le droit de vote aux femmes. Autrement dit, cela ne fait même pas 50 ans !! Et l’égalité hommes-femmes n’est inscrite dans la Constitution fédérale (loi) que depuis 1981 (38 ans, donc !!).

Pour un pays situé au coeur de l’Europe, qui se veut progressiste, c’est quand même incroyable, non ?

Et ce n’est pas tout : en 1991 (20 ans après l’octroi du droit de vote et 10 ans après la reconnaissance officielle de l’égalité, donc), pas grand chose avait changé dans les faits. Alors les femmes sont descendues dans la rue pour se faire entendre. C’était la première Grève des Femmes, qui a réuni 500  000 femmes (pour 4 millions d’habitants).

Et aujourd’hui ?

Et bien d’après le World Economic Forum, la Suisse n’est encore que 20e en matière d’égalité des genres (la France est 12e, et les pays de tête sont l’Islande, la Norvège et la Suède). Et ça, ça se constate tous les jours quand on regarde la différence de salaire entre les hommes et les femmes (elles sont payées 12% de moins en moyenne, à qualifications égales), sans compter tout le travail qu’elles font à la maison (ménage, courses, enfants…) et qui n’est pas payé. Et les remarques sexistes, le harcèlement de rue, les violences domestiques et sexuelles (d’après Amnesty International, 20% des femmes sont concernées en Suisse).

Ma cadette, Mamie, m’a demandé ce matin pourquoi il y a tant de différences de traitement entre les femmes et les hommes : « Alors si c’est pas bien, pourquoi ça ne change pas ? Et ce sera pareil pour moi, plus tard, Maman ? » Qu’est-ce que je suis censée lui répondre ?!

Qu’elle choisisse de vivre au Sénégal, en Suisse ou ailleurs, je veux que ma fille puisse créer la vie qu’elle souhaite. Je veux qu’elle n’ait pas à choisir entre carrière et enfants. Je veux qu’elle puisse sortir le soir en toute sécurité. Je veux qu’elle puisse contribuer au monde sans avoir à se soucier de ces questions d’égalité, qui devraient être dépassées depuis longtemps.

Alors, aujourd’hui, je soutiens les Suissesses (et les Suisses !) qui descendent dans la rue pour faire changer les choses. Pour que nos filles n’aient pas besoin d’y retourner dans 10 ans.

PS : Au lendemain de la grève, l’Union syndicale suisse (USS) estime à plus d’un demi-million le nombre de personnes mobilisées au cours de la journée. Et les marches ont rassemblé près de 100’000 femmes (et hommes) dans les rues de Zurich, 50’000 à Lausanne, Berne et Bâle, 12’000 à Genève et autant à Fribourg et à Sion, 5000 à Neuchâtel, 4000 à Delémont.

Et tout cela dans une ambiance joyeuse, conviviale et pacifiste !

Fatoumata Ndiaye
(texte de Mélanie Sylla, Illuminatrice de potentiel – contact : melaniesylla.com)